mardi 15 décembre 2015

Petit message à toi, harceleur de rue qui s'ignore.

Aujourd'hui, j'avais décidé de porter une robe.
Figure-toi que ça ne m'était plus arrivé depuis... très longtemps. Petite fille, j'en portais, plus contrainte qu'autre chose. Je me souviens néanmoins d'une jolie petite robe jaune à fleurs que je portais, dans mes souvenirs, avec plaisir.
Puis j'ai grandi, grossi, et j'ai détesté tout ce qui ne recouvrait pas entièrement mes jambes.

Ce week-end, profitant d'une escapade en ville, j'ai acheté une petite robe. Simple, grise, sans artifices, près du corps. Et de jolis collants à motifs. L'ensemble me plaisait, mais je ne savais pas encore trop si j'oserais porter ça un jour.
Le week-end est passé, il fût bon, il m'a refilé un gros coup de boost au moral, je me sentais à l'aise dans mon corps, dans ma tête, remise en confiance, aussi lundi matin, j'ai décidé de porter cette nouvelle tenue au boulot.
Ca n'est pas passé inaperçu, moi qui ai pour habitude de porter un jean. Tout le monde m'a complimentée, ça m'allait bien, c'était joli, a priori, aucun souci.

Pleine de confiance, j'ai remis cette robe aujourd'hui, mardi. Au travail, toujours aucune remarque désobligeante, que du contraire.
Puis je suis allée me balader en ville.

Et c'est là que tu interviens.
Toi qui m'as croisée en m'apostrophant d'un vulgaire "Eh mad'moizelle, ça va?", accompagné d'un sourire pervers. Toi qui as joué de ton klaxon alors que tu me dépassais en voiture. Toi encore qui, alors que tu me laissais traverser la rue, t'es permis de me complimenter d'un geste obscène. Ou toi, qui, alors même que tu ne me connaissais pas, t'es inquiété de savoir si je "baisais". Sache que oui, mon petit, je pratique le sexe de façon plus ou moins régulière, en célibataire plutôt libérée que je suis, avec des partenaires généralement bien plus respectueux que toi, qui prennent d'abord la peine d'engager une conversation sensée avant de me "baiser". Merci de t'en inquiéter, sincèrement. Maintenant, tu le sais, voilà.

Vous tous que j'ai eu l'occasion de croiser, moi, la nana un peu timide de la campagne, lors de ce périple en ville, avez réussi à me déstabiliser. A me faire douter de moi, de mon apparence, du message que je pouvais faire passer, vêtue de cette petite robe que je trouvais pourtant jolie.
Ai-je eu une attitude provocante? Est-ce que cette robe était trop courte pour une promenade en ville? Avais-je l'air vulgaire, habillée de la sorte?
Oui, j'ai douté. Je me suis sentie mal à l'aise, regardée sans arrêt.


Par vous, hommes assez peu discrets et bien souvent désobligeants - parce que non, "Tu baises?" accompagné de gestes obscènes, c'est tout sauf agréable comme entrée en matière, tu vois. Et pourtant, je te l'ai dit plus haut, je suis du genre assez libérée, comme nana, ouverte, tolérante, et j'ai de l'humour parfois.
Mais pas quand ton attitude me renvoie en pleine gueule le fait que je suis une femme, et donc, à tes yeux, un vulgaire objet.
Ton sexisme - tu ne le vois sans doute pas de cette façon mais crois-moi, avec un peu de discernement, on se rend bien compte qu'il ne s'agit que de ça, au final - m'a fait peur. M'a fait craindre pour ma sécurité. Parce que je suis une femme, parce que je portais une robe, parce que j'étais seule, et parce que les rues sont remplies d'hommes comme toi.
Il n'y a qu'un pas entre ton attitude et tes mots, et les possibles gestes que tu aurais pu avoir.
S'il avait été plus tard, si j'avais été un peu éméchée, s'il y avait eu moins de monde autour de moi, de nous... qu'aurais-tu été capable de faire pour assouvir ton besoin de domination, de machisme?

Comment t'es-tu senti, alors que je passais mon chemin en t'ignorant? T'es-tu senti fier? Content? As-tu pensé que ton attitude m'avait flattée, que je me suis sentie contente d'être remarquée?
Ou au contraire, as-tu compris à quel point c'était déplacé, désobligeant, ridicule, dangereux?


Regardée également par d'autres femmes. Par des jeunes et des moins jeunes. Des regards désapprobateurs, sévères, dédaigneux.
Alors quoi, c'est donc ça? Une femme n'a-t-elle réellement plus le droit de porter ce qui lui plaît, quand ça lui plaît?
Une femme en jupe/robe est-elle nécessairement une traînée? Une femme qui mérite moins de respect que les autres?
Pire encore, s'il lui arrivait quelque chose, à cette femme en jupe, en robe, l'aurait-elle mérité? C'est bien souvent ce qui est ancré dans l'idée de beaucoup, hommes et femmes confondus.



En soi, ce qu'il s'est produit aujourd'hui n'est pas un cas exceptionnel... loin de là, cela arrive chaque jour à des milliers, des millions de femmes, encore injustement considérées par beaucoup comme des objets sexuels, des objets de désir, de pulsion, inférieures aux hommes qui se comportent comme toi.
Certaines sont victimes de faits bien plus graves que ce "bête" harcèlement de rue.

Mais pose-toi la question suivante, s'il te plaît : si la femme que tu croises n'est pas entourée par la foule, a trop bu, prend la peine de regarder ton visage ou te répond... Que serais-tu capable de lui faire?


Cet après-midi, tu m'as mise mal à l'aise, tu m'as fait remettre en question ma vision de moi-même, de mon apparence physique, tu m'as fait douter des compliments que j'ai reçus sur cette petite robe que je trouvais jolie.
Et pourtant, cette robe, je la porterai encore. Au travail, en ville, en soirée, qu'importe.
Parce que mon corps n'appartient qu'à moi, parce que tu n'as pas le droit de me faire douter de l'image que je renvoie et d'être insultant.
Tu n'as pas le droit de faire du mal à quiconque, que ça soit verbalement ou physiquement - parce que oui, ton attitude est blessante - sous prétexte que tu ne parviens pas à gérer tes pulsions et tes envies.


Bien à toi,

Ma robe et moi.






Pour aller plus loin, pour s'informer sur le harcèlement de rue :